Isaline Bourgenot Dutru – L’Infini dans l’œil éphémère

L’Infini dans l’œil éphémère, Le Lys Bleu éditions – décembre 2024

Pourquoi j’ai écrit ce livre

Comment rejoindre son enfant qui perd la vue, de façon inexorable ? Après le verdict médical posé, j’ai voulu lui écrire et c’est la poésie qui s’est imposée. Au travers de ces quarante-huit poèmes, chaque texte fait retentir l’écho de celui qui précède en même temps qu’il contient les germes de celui qui suivra. Comment considérer l’immensité de la création, à portée de nous, encore à conquérir ? Et soudain le kaléidoscope des formes inouïes et des couleurs en éventail s’est mis à tourner plus vite que les aiguilles du cadran. Et dans un mouvement proche de celui d’une lanterne magique, la vie des fleurs et des arbres, des rivières et des mers, des montagnes et des nuages ainsi que l’immense variété des pierres et des roches se dévoile… redessinant nos paysages familiers. En filigrane, pour celui qui est privé du regard… pourra-t-il déchiffrer la langue secrète des oiseaux ? Et deviner depuis quand les parfums ont-ils enchanté le monde ?

Poème extrait du cycle, Si lointain, si proche, l’oiseau

À quoi rêvent les oiseaux ?

Passer de l’autre côté du versant

être bercée par les blandices célestes

parcourir en tous sens l’immensité rayonnante

colporter des paroles nouvelles

rester l’ami du secret.

Être un ange aux ailes radieuses

détaché des contingences.

Être rattachée à un fil

aussi ténu qu’un cheveu blond

être agitée par la brise

enrubannée de parfums

puis être détachée de ce désir.

Exister dans la main d’un enfant

comme un cerf-volant rouge disparaissant dans le couchant.

Être blottie dans son écorce

forme indistincte aussi légère qu’une plume

être un lien immatériel entre un homme et un ange

se tenir derrière l’étoffe des apparences

saupoudrer de la poudre de lycopode sur les pierres du chemin.

À la dernière bougie d’anniversaire soufflée

être une âme voyageuse

sur les gloires obliques de la voûte.

Une âme comme un cerf-volant

dans la main d’un ange 

Mon rêve

que rêverait l’oiseau.

Puis être détachée du fil.