Pourquoi j’ai écrit ce livre
L’homme éprouve une attirance naturelle pour la lumière et l’on sait combien la vie est redevable à la lumière physique. Mais la lumière, c’est aussi, dans toutes les traditions de l’humanité, cette force première, cette énergie créatrice, à l’origine du monde manifesté. Alors la question se pose sur la nature véritable de cette attirance. Élan du corps ? Élan de la psyché ? Élan de l’âme ou de l’esprit ? Dans cet essai organisé selon les grandes thématiques que le sujet appelle (naissance de la lumière, ombre et lumière, lumière et matière, lumière et couleurs, lumière du feu, lumière et vérité, lumière des mystiques…) des textes courts apportent leur éclairage pour inciter le lecteur à une méditation. L’idée n’est pas d’expliquer la lumière de manière rationnelle et savante mais de donner à vivre une expérience mêlant lumière physique et lumière métaphysique.
Extrait
Le clair-obscur, fracassante opposition entre l’ombre et la lumière, est un coup de cymbales. La pénombre, un archer alangui sur la corde grave d’une contrebasse. Il y a de l’inquiétude dans la pénombre. On n’y séjourne guère. Porte qui se referme inexorablement sur la lumière, ne serait-elle pas un appel au retournement, qui conduit à la quiétude de l’Un ?
La pénombre
Je pousse la lourde porte de la petite église, qui, miraculeusement par les temps qui courent, n’est pas verrouillée. La mélopée grinçante des gonds et la bouffée de lumière qui s’engouffrent avec celui qui entre, viennent bousculer la gardienne du lieu : la pénombre. Une pénombre chargée d’un froid humide qui écaille les peintures et tapisse les pierres de mousse. Son visage est inquiétant. Ses mains sont moites. Elle chasse les curieux et les promeneurs trop bavards…
Je me sens attirée pourtant et ose quelques pas vers l’autel, entre les rangées de bancs, au bois patiné par les livres de prière et les mains des fidèles.
Avec une infinie lenteur tissée de défiance et de déférence, je m’assois. Je dépose mon corps et mon âme entre les murs épais. Quelque chose en moi se relâche. La pénombre fait glisser à terre le manteau d’apparat du visiteur et pose sur ses épaules une épaisse couverture de laine charbonnée. A l’abri des regards, je deviens libre de sourire aux anges ou de laisser glisser, à l’envie, une larme sur ma joue.
Les yeux à présent bien sevrés de soleil, je distingue plus clairement l’autel blanc et la croix d’or aux longs bras étirés. Mais l’or est trop brillant pour mes pupilles et mon cœur dilatés. Je reviens à la pénombre. La pénombre est silence et ce silence oblige. Les yeux mi-clos, je glisse subtilement de la contemplation à la méditation. Nouer ensemble le silence du dehors et le silence du dedans. Respirer avec les pierres qui palpitent et l’oiseau qui niche sous la poutre du toit. Respirer avec le ciel et se laisser couler en ses terres intérieures. Oser se pencher sur le noir vertigineux de ses abysses. Et découvrir, au-delà de la lumière qui décline, que la crypte de l’homme, comme la petite église, n’est pas ténèbres mais pénombre. Elle tient l’ombre accrochée à la lumière comme la péninsule tient l’île reliée au rivage.
L’homme est pénombre mais la lumière n’est pas éteinte.
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