La louange : Sylvie Monpoint

9 / 04 / 2025
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Louée sois-tu, Sœur Roche

« Loué sois-tu, mon Seigneur,
dans toutes tes créatures,
spécialement messire frère Soleil,
par qui tu nous donnes le jour, la lumière :
il est beau, rayonnant d'une grande splendeur,
et de toi, le Très-Haut,
il nous offre le symbole. »

Le Cantique des créatures de François d’Assise)


Ainsi parle François d’Assise, qui accueille chaque forme du créé — de l’astre le plus brillant à l’infime grain de poussière, de l’oiseau sur la branche à la fleur des champs — comme un don de Dieu, miraculeux et tellement doux.
Frère Soleil, sœur Lune, frère Vent, sœur Eau…

Et, même s’il ne le confie pas à son Cantique des créatures, la Roche aussi est sa sœur,
car c’est dans l’anfractuosité de la pierre qu’il aime à se recueillir, prier et dormir.
Un creux dans le rocher à taille d’homme ou de bête, pour se lover au plus près de la terre, la tête à même la pierre.


Au contact du minéral, pourtant froid et humide, il régénère sa foi dans le secret silence de la méditation.
Le trou dans le rocher,
c’est le cœur du volcan d’où jaillit violemment un puissant feu d’amour.
C’est l’athanor, lieu de transmutation de la pierre en or,
au terme d’une longue macération spirituelle.
C’est la ténèbre fécondante,
pour que rayonne la lumière,
qui se fera, au sortir de la tanière :

éclat de rire,
joie parfaite,
célébration,
louange chantée.


Mais à tout cela, il y a une faille.
Car sur le chemin franciscain, les lieux qui furent cellule de roche du saint homme sont tous « entaillés ».
Une étroite fissure verticale prolonge le fond de l’excavation comme un livre entrouvert.
Elle semble vouloir tenir écartelées les roches profondes.

Est-elle brèche témoignant des faiblesses de l’homme
ou trace cicatricielle des souffrances de l’humaine condition ?

Vient-elle rappeler à François que le destin de sa vie est de reconstruire son Église qui se lézarde ?
Ou bien est-elle cet absolu d’humilité,
cet espace plus confiné encore dans lequel le « jongleur de Dieu » pourrait se glisser ?

On aime à penser que la roche s’est fendue de joie,
qu’un homme aussi grand, dans un si petit espace,
a fait éclater la pierre,
que la fissure profonde laisse s’envoler l’âme de l’homme
et descendre l’Esprit en un tracé d’éclair.


C’est la ligne de vie en totale liberté,
l’ouverture à tous les possibles,
du Frère qui a su se désencombrer de tant, de tout.
C’est le verbe incarné dans la pierre pour que s’ouvre le cœur des hommes.


Aujourd’hui, que François n’habite plus la roche
et que la roche n’abrite plus François,
on pose une croix debout contre la pierre.

Une croix humble,
simple comme celle que font les enfants.
Deux branches fines, un peu sinueuses telles des veines sur le dos d’une main,
et unies par un simple lien — une liane, un peu de chanvre.

Et cette croix, comme un soleil, illumine tout l’espace.
Elle est lui, l’homme qui reçoit tout de Dieu pour donner tout aux hommes.

Elle conjugue en ses branches :

  • la verticale mystique de François,
  • et son amour profond pour chaque étincelle de vie,
    dans la horizontale beauté du monde.

Sylvie Monpoint Août 2024 - s.monpoint@wanadoo.fr

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