L’homme qui marche
Chicago, dans les années 40…
Il était une fois un homme de légende, de ces légendes qui fondent une ville comme Chicago et lui donnent une âme.
Joseph Kromelis, plus grand qu’un homme, sans abri, dandy à la cloche, vendait parfois quelques breloques, quelques bijoux dorés.
On aimait le rencontrer, lever les yeux vers lui, l’écouter.
Mais il n’avait pas que des amis, cet homme libre.
Un sombre jour, un criminel fit flamber son abri, avec son occupant, qui ne s’en remit guère.
Le monde s’attrista, ne voulait pas l’oublier.
Bien après une dispute violente avec Picasso, Giacometti, blessé lui aussi, boitant toujours, a sculpté L’homme qui marche, s’appuyant sur le souvenir de ce sans-abri, de ce hors-la-loi américain, Joseph Kromelis, glorieuse victime.
Au Walking Man, il donna son image, en plusieurs endroits du monde, à tout jamais, de Paris à Chicago.
— Françoise Kerisel