Biblos
L’ange de Biblos…
Elle prend le petit livre de la main de l’ange, et l’avale : dans la bouche il a la douceur du miel.
Puis l’amertume saisit ses entrailles…
Elle reconnaît alors sa mission :
sans répit, les petits livres seront dévorés, humés, aimés.
Elle va les chercher partout, toujours.
Elle le doit, à l’envers et à l’endroit,
et gratte les textes anciens, nouveaux, souligne, décolle…
Elle fait passer les livres brûlants : elle le doit.
Un livre unique contiendrait tous les autres.
C’est écrit.
À se perdre dans ces autres, trouve-t-on l’unique ?
S’engloutir dans ces pages. Se laisser dévorer. Ne plus savoir.
Il y a la marge, et il y a le centre, le cœur du livre.
De ce centre elle est dans un écartement absolu.
Condamnée à la marge, elle revendique la marge.
L’amertume est plus riche que le miel.
L’ange le sait. Elle le croit.
Françoise Kerisel