Pourquoi j’ai écrit ce livre ?
Parce que je voulais me laisser déplacer moi-même par les rencontres qui creusent en nous la terre de l’intériorité. Qui la rendent disponible, ouverte à de nouvelles fécondités ! Au seuil de ce livre trois femmes juives dont les écrits nous laissent aujourd’hui entrevoir la possibilité de nos propres retournements intérieurs : Etty Hillesum, Magda Hollander-Lafon, Christiane Singer. Ces femmes, du cœur de l’abîme, nous laissent deviner une autre lumière, celle de l’amour auquel elles se livrent chacune sans retour. Dans leur sillage j’ai donné place à tous ces autres amants et amantes de la Présence qui nous font désirer encore, dans chacune de nos existences, un monde sauvé de trop de violence et de repli sur soi.
A la suite de mes précédents écrits, c’est aussi à creuser le sillon d’un christianisme de l’intériorité que je me suis employé, dégagé de cette chape de tristesse dont Xavier Grall s’étonnait qu’elle ait pu s’abattre sur lui : d’où nous est-elle venue, s’écriait-il ? A cette question, j’essaie d’apporter une réponse dans ce livre : d’une vision trop exclusivement extérieure et masculine du religieux, méfiante à l’égard du féminin de l’être auquel ne cesse pourtant, comme le souligne Annick de Souzenelle, de s’adresser le divin en nous.
Comme sous le souffle d’une caresse ! Mais c’est là le mouvement même de toute la Bible que nous tenons trop souvent enfermée dans des lectures moralisatrices, rituelles et sacrificielles qui lui sont étrangères. C’est finalement en suivant le Poème de la vie et des rencontres, des partages en petits groupes autour de la Parole, que je me suis laissé inspirer pour écrire ce livre : attentif également au mouvement qui se faisait en moi pour continuer à ouvrir un peu plus le chant et la tendresse de l’Evangile à un dialogue créateur avec toutes les autres spiritualités.
Extrait
Ce livre est un parcours autour de ce que Sulivan nommait l’avènement du Poème. Pour ne pas utiliser des mots qu’il trouvait trop usés, trop religieux, devenus presqu’incompréhensibles à ses yeux. Alors il usait d’un vocable plus énigmatique encore pour parler du Royaume, de l’universelle communion promise entre les hommes : de cette brèche à l’intérieur d’un monde voué à l’emprise croissante de la domination et de la violence. Ce surgissement du Poème, qu’il nomme aussi parfois l’Espérance, peut paraître encore bien caché. L’arbre qu’est appelé à devenir la plus petite des graines ne demeure-t-il pas longtemps comme une promesse ? Notre monde n’est-il pas davantage empli de bruits et de fureurs que de signes de cette disposition à recevoir la caresse du ciel ? Mais « l’arbre qui tombe fait plus de bruit que la forêt qui pousse », dit le proverbe. Ainsi me suis-je laissé gagner, au fil des pages, par la rumeur silencieuse de ces germinations : saisi, tout d’abord, par ces figures d’amantes de la Présence qui me sont apparues comme le contrepoint de la douleur et de la détresse des hommes et du monde aujourd’hui. Trois femmes juives, plongées dans la souffrance et portant dans leur chair les traces brûlantes de la parole originaire. Ce sont elles qui éclairent, au fond, par le feu de leurs passions et la fulgurance de leurs transmissions, toutes les autres approches du Poème dont ce petit livre est l’objet.
Jean Lavoué, La vie comme une caresse, Editions Médiaspaul France, 2016
Jean Lavoué, né à proximité de St-Malo, vit dans la région de Lorient en Bretagne. Il est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages, récits, essais, recueils poétiques touchant à la littérature et à la spiritualité. Il a dirigé une association d’action sociale dans le Morbihan. Depuis 2007, il tient un blog poétique : « L’enfance des arbres ». Ce nouveau livre s’inscrit dans le prolongement des précédents ouvrages de Jean Lavoué : La voie libre de l’intériorité (Salvator 2012), L’Evangile en liberté (Le passeur 2013).
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