Cheminer... Les yeux au sol ou le nez au vent. La tête à la renverse, boire la pluie. Vers l'horizon, lambiner un peu ou avancer d'un bon pas. Tant bien que vaille. Métaphore connue de la vie que celle du chemin. Les chanceux ou les insouciants ont la foulée légère, joyeuse ; les meurtris marchent de guingois et chaque pas leur coûtent. Mais le chemin, les marcheurs le savent, est élastique. Celui parti le plus tôt, à cette heure du jour où la terre fusionne avec le ciel, n'est pas forcément celui qui rejoindra l'étape le premier. Il sera dépassé plusieurs fois. La fatigue le terrassera. Désespéré, il pensera parfois s'être égaré. Ses chemins de traverse et sa lenteur seront salvateurs. Lui se trouvera, quand les pressés n'auront rien vu, rien compris ; ni la puissance mystérieuse des contrées qu'ils traversaient, ni cet arbre dont le feuillage miroitait dans le soleil et qui leur faisait signe.
Un chemin, parmi tous, mène à Rome. Il part de Canterbury et traverse tranquillement la France et l'Italie. C'est la via Francigena. Il cammino, disent les Italiens. Chemin solaire parsemé d'oliviers argentés, de vignes et de cyprès dressés comme des cierges à l'horizon. Les zones les plus sauvages abritent encore de vieux châtaigniers aux racines extravagantes, au tour de taille généreux qui rempliront d’allégresse les adeptes du tree hugging. San Vivaldo et les ermites du XIVème siècle choisissaient de vivre dans leur creux, et à l'abri de leur gangue végétale, méditaient sur l'Arbre de la Vie et sur le premier homme, pétri d'argile, venu de la terre.
Soudain, nous nous arrêtons devant certains arbres, éblouis. Et nous aimerions nous mettre à genoux.
B.L
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