Habiter le monde n’est-il pas plutôt se laisser habiter, toucher par le monde, l’inviter à entrer en soi ? Apprendre à devenir l’accueil même de cet au-dehors troublé, dangereux, ne pas se tenir séparé de cette vie menacée en chacun de nous.
Ecouter la lamentation du monde : visages marqués par la douleur, corps dévastés jusqu’au mortel étouffement, cœurs brisés par la morsure de l’esseulement. En essayant de ne pas se laisser entamer par la sourde angoisse de mort qui ronge chacun. Bien qu’enfermés dans l’étroitesse de nos chambres ne demeurons pas séparés de l’autre.
Ne sommes-nous pas invités à sentir, goûter et épouser nos profondeurs ? A entrer dans notre âme, à l’habiter ? Car habiter notre être profond est exactement participer de l’ETRE même de Dieu.
Et pour vivre cela, le divin secret n’est-il pas d’aimer ? Aimer simplement, l’autre comme soi-même. Tendre vers la certitude qu’en aimant imparfaitement, Dieu demeure en nous.
Mais comment aimer quand on est dans l’enfer du lieu clos, affligé au plus profond par la solitude souvent, le temps qui ne passe pas et la maladie qui rôde. En ne se souciant pas d’aimer parfaitement car seul l’Esprit peut aimer ainsi à travers nous.
Sortir de cet enfermement réglementé nécessite de se fondre en lui sans compter les jours, s’installer dans cet étrange temps suspendu ! Y consentir dans ses chairs, y devenir présent.
Puis, laisser advenir en soi la grâce d’un progressif dépassement.
Anne Marie Saunal, Paris le 1 janvier 2021
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