Pourquoi j'ai écrit ce livre
J’ai écrit ce livre après la découverte du rapport du général Ferrand qui a investi la forêt de Grasla pendant l’été 1794. Ils avaient été près de deux mille Vendéens à fuir les colonnes infernales du boucher Turreau et se réfugier dans la forêt. J’ai pensé que ces hommes et ces femmes avaient inventé une île d’humanité au cœur de la barbarie. Et j’ai décidé de faire vivre par le roman cet épisode complètement méconnu des guerres de Vendée. J’ai choisi de le raconter à quatre voix, chacun apportant un regard différent sur ce qui s’était passé. Leurs expériences se croisent, s’enrichissent, se complètent. Il m’a semblé que la réinvention du quotidien dans la forêt, les difficultés inouïes, le froid, la faim, la peur, la mort, les naissances aussi, l’espérance malgré tout de lendemains meilleurs, disaient toute la guerre de Vendée. Le temps est venu, me semble-t-il, non pas d’oublier ce qui a été un génocide organisé par la Convention, mais de se souvenir pour la réconciliation. Ce roman se veut œuvre de mémoire, mais je l’espère assez ouvert et porteur de lumière (il se termine par la révolte des berceaux !) pour déboucher sur un chemin de pardon.
Yves Viollier
En résumé
Yves Viollier nous donne, avec Même les pierres ont résisté, un beau et tragique roman sur la guerre de Vendée, au cours du terrible hiver 1784, alors que les colonnes infernales du général Turreau semaient la terreur. On sait l’auteur amoureux de sa Vendée natale et épris d’Histoire jusqu’à la passion. Une fois de plus, il a compulsé de nombreuses archives pour nourrir son livre et tout ce qu’il y raconte est vérifiable. Comment, notamment, lors du passage des « bleus » de Turreau, au plus profond du bocage vendéen, la forêt de Grasla a abrité près de deux mille paysans, un vrai village composé de réfugiés qui avaient vu leurs fermes brûlées, des mères violées, les troupeaux décimés et certains de leur proches massacrés. Ils y ont construit des huttes qu’ils appellent des loges. On y trouve notamment la loge-hôpital où l’on soigne les blessés et ferme les yeux des morts.
L’auteur, après avoir laissé la parole au bourreau de la Vendée, la donne successivement à Marie-Pierre, la jeune sage-femme sans peur et sans reproches, à Petit James, le guetteur perché dans les arbres, à Jean-Jacques Templier le menuisier, à Barthélemy Rivière enfin. Barthélemy Rivière, un garçon que Marie-Pierre avait connu dans une vie antérieure et dont elle était tombée amoureuse. Pour lui, elle était Marie des Lumières. Et voilà que, soldat républicain devenu, il est blessé et fait prisonnier au pays des loges. Peut-on soigner un ennemi que plusieurs, dans la forêt de Grasla, ne songent qu’à étriper ? Un roman d’une profonde humanité. Mais quoi de plus inhumain que l’homme, lorsque la haine lui ronge le cœur ?
Roger Bichelberger
Extrait
"Père est entré. Les yeux comme la nuit. Il s’est assis sur le banc. Il a posé les coudes sur la table, ses épaules se sont affaissées. J’ai repris ma place au coin du feu. J’avais commencé à plumer un merle. Il a poussé un long soupir comme un râle.
Je plumais. Je plumais. Père avait piégé ces petits oiseaux avec du grain sous une planche. Les plumes noires volaient. Ca sentait le brûlé. Les plumes grésillaient. Il n’avait pas eu un gémissement quand il avait soulevé mère sur le tas de fumier. Ni à la maison, ni à l’église, ni au cimetière. Il avait continué ensuite comme après un orage sec. Sa poitrine s’est soulevée. J’ai entendu une longue plainte comme celle de Marquis quand ils l’avaient décollé de son trou de vase."
Même les pierres ont résisté, Yves Viollier, Ed Robert Laffont, août 2012, 248 p., 19 €.
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