Le chemin le plus court pour atteindre et avoir affaire à un Dieu Vivant, contre toute idée reçue, c’est de Le faire rire simplement la première fois ; c’est dire comme on s’y est toujours pris mal pour Le rencontrer en vrai !
J’ai mis toute une partie de ma vie à comprendre qu’Il n’appréciait pas au fond chez moi mon esprit de trop sérieux, la fille aux petites lunettes rondes à la Simone Weil, complètement décalée le plus souvent, qui ressasse sa culture, qui passe son temps à L’entretenir en détail de sujets profonds qu’elle a lus, lui réservant de petites conférences personnelles, lui parlant d’elle, elle, elle, sa vie, son moi, sa foi, références à l’appui : littéraires, artistiques, philosophiques, psychologiques, sociologiques, gnostiques, théosophiques, pythiques, se hasardant sans compétence particulière aux mathématiques, à la physique, même quantique, à la kabbale, aux nombres parfaits et absolus, aux sujets théologiques de préférence ou aux traités d’édification trouvés dans toutes les traditions du monde, qu’elles soient religieuses ou pas, oubliant évidemment prise par son sujet et décollant du sol, à Qui elle parle, le Maître de l’Univers quand même !
Un jour tout ce salmigondis foutraque a pris fin.
Nos rendez-vous de plus en plus fréquents et rares, se bornaient à nous regarder sans rien dire et à rire, nous écouter, sourire avec les yeux, émerveillés, piaffer comme des enfants, et cela nous faisait si mal parfois ces quintes de rire inextinguibles, qu’on se retrouvait tous les deux haletants, débordés, morts de rire sous nos chaises. Moments inoubliables, précédés il est vrai, de conversations de plus en plus silencieuses, d’égarements délicieux hors du temps.
Avec ce rire énorme Il m’apprenait ce que les livres ne m’avaient jamais offert ni donné : une bulle d’éternité en tête à tête avec Lui, respirant Sa Lumière, mais ici-bas chez moi, pour me consoler sans doute de ce qu’Il nous avait quittés, rappelé chez Lui pour un temps annoncé, pas daté. Qui l’eût dit ? C’était sa façon à Lui, inimitable, d’aimer car c’est un vrai séducteur !
Comment Dieu sait séduire ? Marthe PEYRAT (inédit)