Le mot de l’auteur :
Les circonstances de la vie donnent naissance soit à des instants de misère profonde, morale ou physique, qui semblent vous détruire inexorablement, soit à des moments plus sublimes de résilience qui vous rendent plus forts. Si l’on découvre finalement que tout cela débouche sur une vision de soi chargée de sens et de transcendance, on appellera cette sorte de métamorphose, un chemin initiatique.
C’est ce chemin personnel que j’ai voulu décrire. Mais, sur le tard, un certain personnage s’est glissé dans mon être intérieur, je veux parler de Teilhard de Chardin, paléontologue et théologien qui mourut à New York le jour de Pâques 1955, ayant laissé derrière lui une œuvre considérable qui ne fut publiée qu’après sa mort.
Teilhard est un penseur dont la vie et la pensée sont parmi les plus toniques et contagieuses de tous les temps mais parfois contestées. Il possède une vision dynamique de l’Univers, et une perception particulière de la vérité fondée, non sur des démonstrations mathématiques ou bien sur de rigides idéologies, mais sur une certaine cohérence des choses qui constitue toute son apologétique. Sa philosophie se trouve centrée sur le concept d’évolution qui donne un sens à toute vie et une ultime convergence vers le Christ. Je lui dois beaucoup !
Extrait :
J’aimais profondément ma terre natale qui, de vignobles en vergers, descendait lentement vers le fleuve avant de faire rayonner au loin la chaîne du Mont Blanc. Les impératifs liés à mon accès au savoir livresque ne m’intéressaient guère bien que j’occupasse toujours la place du premier de la division. En fin de compte, je n’aimais pas l’école ! Malgré tout, je repense à cette petite école publique, aux murs de granit bleu bien taillé, qui me semblait représenter physiquement l’image de la République Française. J’ai apprécié la qualité pédagogique de mes maîtres, hussards de la dite République. Ceux-ci savaient ne pas dispenser qu’un savoir théorique, mais nous mettre en contact avec les différents métiers manuels exercés par des gens de la région. En outre, un grand placard contenait mystérieusement des objets dignes de nous faire comprendre les phénomènes physico-chimiques. Et pourtant, malgré mon indifférence pour les maths et le français, je trouvais exaltant de regarder mon maître écrire sur le tableau. Lorsque, chaque matin, l’instituteur commençait d’écrire majestueusement sur son tableau noir, j’étais, à cet instant précis, en proie à une petite extase. Quelque chose de beau semblait naître chaque jour : un feu qui s’allume. Nous savons que les sagesses de l’Orient enseignent que l’essentiel n’est pas dans la connaissance mais dans le geste. Je l’ai éprouvé très tôt dans ma jeunesse.
Le Lys bleu éditions, Avril 2019