Lecture
Aussi loin qu’il s’en souvienne, Léo lit. En silence. Il évite de se laisser déranger par la violence et le bruit des autres, ignorant la force, la ténacité de la vie.
Un jour, le poste de bibliothécaire en prison s’offre à lui. Il découvre alors un lieu violent ; les cris et les odeurs lui donnent envie de fuir. L’intensité du regard des détenus le fait osciller, muet, sur un chemin de crête.
Lentement cependant, la présence de ses lecteurs transperce sa carapace. Ils lui parlent, lui racontent leurs vies difficiles. Ils ont très envie de toucher l’humanité de ce bibliothécaire, caché derrière son abri précaire de livres et de silence. La violence des récits l’atteint en profondeur.
Un chemin inédit s’ouvre ; il le parcourt en tremblant avant de consentir aux joies de vraies rencontres. En ce lieu insalubre, dans ce dénuement, Léo tisse des relations empreintes de chaleur avec des inconnus venus de loin. Il découvre toute la complexité de la nature humaine : être meurtrier et empêcher un compagnon de cellule de se suicider est possible. Aimer ses enfants et vendre de la drogue est une réalité. Vouloir rester dans un pays qui vous rejette faute de papiers relève d’une vie choisie. Des êtres humains aimables dans tous les sens du terme.
Léo comprend qu’ils l’acceptent parmi eux, qu’il a de la valeur à leurs yeux. Ils l’aident à s’insérer dans la complexité de la vie, à oublier ses craintes, à rire de ses erreurs passées et à avancer, paisible, vers un avenir inconnu.
— Monika Wonneberger-Sander