L’oiseau, à ma fenêtre, y était peut-être hier. Je ne l’avais pas vu. Ce matin, le souffle minuscule qui l’anime fait monter du profond de moi une joie. Le don était là. Il manquait mon attention, ma gratitude. La mésange ignore qu’elle fut à cet instant, pour moi, un cadeau inestimable, de respiration à respiration, me reliant à l’azur.
Savait-elle la grâce qu’elle nous offrait, durablement, cette amie qui, au seuil de la mort, avait réuni ses proches pour les remercier de leur compagnonnage à différentes périodes de sa vie ? Nous étions une vingtaine, dans la chapelle de l’hôpital, où on l’avait conduite sur son lit médical. L’un après l’autre, elle nous a appelés pour évoquer, de visage à visage, des souvenirs, devenus grâce à ce moment ineffaçables. Elle nous disait, nous lui disions, de cœur à cœur, notre intense gratitude. Nous vivions un instant d’éternité.
Mystère de la beauté. Ce petit dessin épinglé au mur du musée, soudain, provoque en moi un soulèvement, une vague de jubilation. L’artiste, en le réalisant, ne pouvait imaginer ce qu’il m’offrait, qu’il offrirait peut-être à nombre de regardeurs anonymes. Le don vrai est sans savoir sur lui-même.
Elle me sauvait de l’abîme de l’angoisse, elle qui avait trouvé les mots pour me rejoindre, sans être atteinte par ma dépression adolescente. J’ai su, dès ce jour, qu’une parole active peut redonner vie.
L’oiseau, cette œuvre, cette parole, je les ai faits miens, comme toutes les pages de tous les livres lus, toutes les bibliothèques, tous les mots reçus, les images gravées à travers les âges ; mon amie est devant. Hommage à ceux qui nous précèdent, et qui ignorent leur don, vie et mort jointes indissolublement.
— Christine Ray