Rituel
Quatrième âge. Ma belle-mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer, vit à la résidence Saint-Benoît depuis plusieurs années. Petit à petit, son regard s’est embrumé, surtout depuis qu’elle est assise dans une chaise roulante du matin au soir. Autour d’elle, des femmes et des hommes errent. Quelques aides-soignantes africaines passent et repassent.
Marie s’assied à côté de sa mère après l’avoir embrassée et, quand je l’accompagne, lui dit à chaque fois : « Voici Bruno, ton gendre. »
Son regard éteint se réveille. Elle me reconnaît et répète : « Bonjour mon bien-aimé. »
Je m’assois. Elle me prend les mains et sourit. Ses yeux plongent dans les miens. Quelle paix ! Quelle douceur !
Je pense au Cantique des Cantiques : « Je suis à mon bien-aimé et mon bien-aimé est à moi. »
D’où vient son sourire d’une lumière incomparable et tranquille ? Une pure présence ?
« Que tu es belle, mon amie, que tu es belle ! »
Vient une joie qui me dépasse.
Quel don tu fais, ma bien-aimée, à l’homme agité que je suis !
— Bruno Lehuerou