Pourquoi j’ai écrit ce livre ?
La question est simple. La réponse l’est moins. Sait-on pourquoi on écrit ? Pas plus qu’on ne sait pourquoi on respire.
Il y a pourtant des raisons qui m’ont poussé à concevoir ce livre plutôt qu’un autre. Des événements l’ont motivé comme les exactions commises à Rosarno (Calabre) en janvier 2010 contre des immigrés.
Mon roman, en effet, date de cinq ans (je l’ai bien sûr retravaillé depuis, mais sa structure n’a pas bougé).
Je voulais aussi y exprimer ma crainte de voir nos libertés rognées. J’étais loin de penser à l’époque où nous en serions aujourd’hui, mais je constatais déjà que nos démocraties cédaient du terrain et glissaient vers une forme larvée de dictature (d’autant plus dangereuse à mon sens qu’elle avance masquée).
Je voulais enfin (peut-être surtout) que ce roman soit un livre d’espoir, un livre sur la grâce – ce chemin qui n’est pas notre chemin, et sur lequel Dieu nous conduit ailleurs et autrement que nous l’envisagions.
Extraits
– C’est fou quand même, tous ces flicages !
– Allons, allons, pas de gros mots ! Le terme consacré est protection.
– Protection de quoi, contre qui ?
– Les terroristes, voyons, qui pourraient s’infiltrer.
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Le soir même, le prêtre va sur Internet.
Il veut relire certains articles et revoir les photos d’époque. Il s’attarde sur quelques-unes – celle-ci en particulier :
À l’arrière, des fourgons. Au premier plan, deux clandestins : leurs regards élargis par la nuit et la peur. Quatre yeux hébétés, livrés à l’épouvante. Mais aussi transpercés de la part d’invisible dont leur âme est en quête. Ils ont l’air d’enfants malgré leur carrure – deux petits qui cherchent leur mère. On soupçonne chez eux une désespérance... La haine ? Oui, sans doute. Mais l’angoisse déborde – elle a le dernier mot.
Il se signe et récite un Je vous salue. Comme si la prière, à vingt ans de distance, pouvait dulcifier les deux inconnus... Et qu’elle ait ce pouvoir, en remontant le temps, de siphonner la peur.
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– Et vous ne pensez pas qu’un jour...
– Quoi donc?
– Ce régime aura une fin.
– J’ai beau l’espérer, j’en arrive à douter.
– Les salauds payent tôt ou tard.
– Les vrais tyrans peut-être.
– Ah ! parce que...
– La dictature ici est larvée. D’autant plus redoutable qu’elle avance masquée et garde les dehors d’une démocratie. Nos gouvernants sont élus au suffrage universel, ne l’oublions pas. Ils appliquent des lois votées au Parlement par des représentants du peuple. Et ce peuple, dans son ensemble, cautionne cette politique. On l’a caressé dans le sens du poil.
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Jean-François Mezil, Il y aura des premiers, editions Feuilles, 2016
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