Le mot de l’auteur :
Peu après la mort de ma mère, Perla, je rencontre la femme de ma vie et devient père pour la première fois. Perla a été déportée cinquante ans plus tôt à Auschwitz. Je tente de comprendre son épreuve et lis de nombreux témoignages sur les camps. Étrangement, au même moment, je me sens attiré par les poètes allemands Novalis, Hölderlin, Schlegel, et le peintre Caspar David Friedrich, qui désiraient attraper l’âme du monde. Avec eux, je trouve l’apaisement et j’essaye de comprendre : comment un même pays a-t-il pu engendrer une poésie aussi pure et la barbarie la plus atroce ? J’ai voulu écrire un livre de correspondances, sur l’amour, la naissance, la mémoire et la transmission.
Extrait :
Je veux me connecter mais certainement pas au vide de mon époque. Avec son voyage intérieur (Gemüt), Henri* nous apprend simplement à regarder, écouter, ressentir. En nous limitant au visible, nous ne vivons que partiellement. L’invisible est pourtant si proche. Les vivants l’ignorent souvent. La mort de ma mère m’ouvre de nouvelles portes. Ma douleur me fait comprendre que le véritable chemin mène vers l’intérieur et que Perla est toujours en moi. Tout ce que j’écris me tourne vers elle.
Et pourtant, comment Novalis, les poètes allemands et les généraux de Hitler ont-ils pu pousser sur le même arbre généalogique ? L’âme germanique du dix-huitième siècle nous renvoie à la nature, à l’infini, à la quête d’un idéal, d’un absolu. Victor Klemperer, dans LTI, la langue du IIIe Reich, analyse le verbe sich entgrenzen qui signifie anéantir toutes les frontières de sa personnalité, ne faire qu’un avec l’univers, se dépasser, briser ses chaînes, évoluer en toute liberté. Ces termes nous mènent autant au fascisme qu’au romantisme !
*Personnage principal, apprenti poète, du roman inachevé de Novalis, Henri d’Ofterdingen.
Éditions Poesis, octobre 2020
Frédéric Brun est l’auteur de quatre livres : Une trilogie avec Perla (2007), Goncourt du premier roman, prix Marie-Claire-Blais au Québec, Le Roman de Jean (2008), et Une prière pour Nacha (2010) pour lequel il a reçu le prix Écritures et Spiritualités, ainsi qu’une biographie Novalis et l’âme poétique du monde (2015), finaliste du prix Femina essai. Perla a été traduit dans plusieurs pays européens et aux États-Unis. Publié en Allemagne en février 2020 à l’occasion du 75e anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz, il rencontre un bel accueil critique. Ce roman est un peu la première pierre des éditions Poesis créées en 2015
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