Pourquoi j'ai écrit ce livre
J’ai suivi le fil de la longue vie d’Edward Hopper : de 1882 à 1967. C’est la vie d’un peintre. J’ai voulu regarder et comprendre sa peinture. On n’écrit pas sur l’œuvre d’un peintre sans la rêver autant qu’on la regarde. Il s’agit aussi de l’interpréter. Comme on tente d’interpréter un rêve, ou un ensemble de rêves. Il faut, autant qu’il se peut, concilier une approche objective et une approche nécessairement subjective. Dans ce travail, l’écriture elle-même, ce qu’elle refuse, ce qu’elle appelle, a sa part.
En résumé
« Edward Hopper, peintre de l’Amérique, peintre de la solitude et du silence, peintre de la mélancolie moderne… » Sans doute. Mais, d’abord : un peintre. Son « réalisme » conduit à s’interroger sur la notion même de réalisme, et, par ricochet, sur la notion de « modernité ». La rencontre d’un peintre est aussi la rencontre, imaginaire, de l’homme qu’il fut. Ce livre est une biographie, un essai sur la peinture, une réflexion sur l’art, un portrait. Je ne vois pas de mot qui définisse mieux cet homme et ce peintre que celui de « dissident ». Au-delà de son réalisme, j’ai découvert son sens de la « peinture pure », de l’abstraction. Au-delà de sa mélancolie, son amour de la lumière.
Extrait
« Nous entendons le silence de Hopper. Il a soixante-dix-huit ans. À cet âge, on offre au photographe et à son appareil une image dont peut-être on ne verra pas le tirage. On lègue l’image d’une apparence à laquelle on commence à se sentir indifférent. On est un homme comme on serait un arbre, un caillou érodé. Voici l’écorce dont je suis seul à savoir ce qu’elle contient et recouvre. Au fond du puits clapote l’invisible, l’intime. Le photographe eut-il conscience, à l’instant qu’il appuyait sur le déclic, de ce demi-cercle de lumière qui rayonne au-dessus de la maison, du personnage, des personnages ? ‘Ce que j’ai voulu peindre, surtout, disait Hopper, c’est la lumière du soleil sur le mur d’une pièce vide.’
Cape Cod est un finistère de l’Amérique du Nord. La falaise, abrupte, surplombe de très haut la mer. Quand on regarde l’horizon, dit Gail Levin, on est en face de l’Espagne. Ou du Portugal. Mais, quand on est debout devant l’horizon et qu’on voit au loin disparaître un navire puis un autre, est-ce à l’Europe, est-ce à cet autre continent, que l’on pense, même s’il vous rappelle votre jeunesse, un temps heureux de votre jeunesse ? Une vie qu’on aurait pu vivre, là-bas. On pense que bientôt on franchira l’horizon. »
Edward Hopper, le dissident, Claude-Henri Rocquet, Ed. Écriture, octobre 2012, 280 p., 22 €.
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