À quoi bon écrire aujourd’hui, quand on aimerait se taire, comprendre, soigner ce monde divisé, prisonnier de forces avides de pouvoir et d’argent ? Nous sommes témoins de crimes à si grande échelle que nos cœurs étreints sont tentés de se réfugier dans un silence qui écoute et qui doute, qui crie et prie en secret.
Pourtant, c’est au fruit que l’on reconnaît la création. Comme le dit joliment le récit biblique : et Dieu vit que cela était bon. Quelle exigence ! La création bonne est douleur et plaisir, solitude et don.
Alors, oui, écrire est nécessaire, lire et écrire avec tous les textes qui au fil des millénaires ouvrent les cœurs et les esprits. En lisant, j’écris ce livre-bibliothèque qui me façonne. Je suis un livre multiple. Ma peau, mes os, mes reins, tablettes pour les textes oubliés ou mal lus. Ma main alors peut-être à leur suite, dans leurs traces, reprendra le stylo ou le pinceau. J’aime ces mots du poète Jean Sulivan : « la littérature au moins quand elle tend à échapper à la complaisance peut dire l’instant vertical. Celle-là seule m’intéresse qui ouvre sur l’impossible-inconnu. »
Christine Ray