Carrière, Balzac, Dostoïevski et les autres
Scénariste, dramaturge, écrivain, auteur de chansons : impossible de résumer ici le parcours de Jean-Claude Carrière qui disparaît en ce début 2021, d’autres auront eu l’occasion à coups sûrs de lui rendre plus amplement hommage. Sans partager toutes les convictions spirituelles de ce dernier, j’aimerai simplement évoquer l’un de ses ouvrages qui prend un relief saisissant dans ce temps de pandémie que nous traversons. Sous le simple titre Fragilité (2006), Carrière explorait déjà cette vulnérabilité humaine que nous expérimentons tous aujourd’hui, devant notre propres limites et un mal qui semble insaisissable. Qu’on en juge : « Nous naissons piégés. Nous portons en nous-mêmes non seulement la mort mais la maladie, la souffrance. Le danger est notre parrain. Il nous accueille à notre venue dans ce monde, que nous n’avons pas demandée. » Et pourtant, souligne Carrière de manière étonnamment prémonitoire, devant cette fragilité, « nous gardons le masque. » Nous préférons valoriser la force et l’apparence. Comment alors retrouver la vraie beauté des fragiles ? Echangeant avec l’écrivain lors d’un salon sur la belle place qu’il donnait dans son livre au « Père Grandet », frêle silhouette de la Comédie humaine, celui-ci me raconta cette bouleversante anecdote : « Savez-vous que quand Balzac vint en Russie, un jeune homme était là dans la foule qui brandissait la traduction d’Eugénie Grandet dans la langue de Pouchkine ? Ce jeune homme s’appelait…Fiodor Dostoïevski. » Merci, cher Jean-Claude Carrière, pour cette attention à la fragilité qui continue de nous rejoindre, comme ces grands auteurs que vous n’avez cessé de nous faire lire.
Marc Leboucher, membre du conseil d'administration
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