Les lectures de ... Marc Bouriche

25 avril 2023
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Bella Italia, Un itinéraire amoureux

Un essai de Christiane Rancé, éditions Tallandier 2023, (330 pages)

N’allez plus en Italie ! Ou plutôt si, allez-y mais pas avant d’avoir connu le doux frisson d’une extase amoureuse qui monte crescendo de la première page à l’ultime. Voyager sur les terres de Dante avec Christiane Rancé embrase les sens et l’âme, fait craindre pour elle qu’une austère jachère de sa plume ne la tarisse pour trop longtemps tant elle y mit de passion. On croit entendre  au fil des pages le chant enamouré de Salomon pour la Sulamithe, c’est celui de l’autrice pour l’Italie. On s’interroge, serait-ce l’œuvre d’une vie qui nous brûle les mains… ou les conforte dans une confiance sans faille en la beauté du monde, même escortée de son acolyte de toujours, l’hubris des condottières et des voyous!

Posons-nous dans un jardin, sous un arbre au printemps, apaisons notre souffle et reprenons page à page cette déambulation sur les terres éternelles de la beauté. De Toulouse, la plus italienne de nos villes, jusqu’aux confins de la botte et de son excroissance insulaire, nous traversons les siècles et les parallèles, la couleur et la lumière, les charmes des paysages et les passions humaines.

La plume de l’autrice est vive et somptueuse, alerte et langoureuse comme un amour qui ne connait aucun crépuscule et renaît de ses désastres, plus jeune encore. Nous croisons avec elle des milliardaires aux abords des grands lacs, les divas et les grandes noms des lettres et des arts d’Europe et d’ailleurs, le petit peuple de Carrare et ses carriers peinant sous le faix d’un marbre étincelant dans une poussière dorée par le couchant. On assiste même à l’enterrement d’un grand capitaine d’industrie qui intronisa la péninsule à la mondialisation.

Cristina Campo, la Simonne Weil Italienne, nous invite dans l’ermitage d’une vie intérieure fécondée par une maladie incurable comme Simone le fut par sa quête d’absolu et sa judaïté sous la botte Nazie ou Dante par sa condamnation à un douloureux exil. C’est à Pise que Christiane Rancé, pèlerine dans les contreforts d’une expérience mystique, interroge sa parenté avec l’exaltation des sens et cette haute solitude qui a son envers et son endroit.

De Gênes à Venise la compétition resta longtemps féroce pour la maitrise des mers et du commerce maritime. Marco Polo qui ouvrit peut-être les routes de la soie ne résista pas dans les mémoires à la découverte du nouveau monde par Colomb, le Génois. Mais lorsque les flottes s’affrontèrent Gênes fut défait par la Sérénissime et les brumes enchanteresses de sa lagune et ses pastels. Une paix durable s’annonçait enfin.

Christiane Rancé nous avertit : aucune des bibliothèques du monde ne saurait contenir assez de livres pour rendre compte des beautés et des mystères de la ville des Médicis, de Dante et de Savonarole, des douceurs de l’Arno comme de l’austérité des palais aux fenêtres grillagées, dont les hauts murs dissimulent les complots et le ciel de rues trop étroites. Chacun succombe après Stendhal à la débauche d’œuvres sublimes dans un périmètre si dense que certains visiteurs finissent au service des urgences sous l’œil aguerri d’un psychiatre entraîné à reconnaitre le syndrome qui rend fou quand la beauté submerge l’âme.

Ces lignes ne sont qu’une invitation pour le lecteur à poursuivre à sa propre allure. Je lui laisse assez d’appétit pour descendre plus avant vers le sud, Rome et Jules II, Hadrien et Saint Pierre, Naples et sa baie où Byron et Hans Christian Andersen furent ensorcelés, où Pergolèse légua aux hommes un ultime Stabat Mater à émouvoir les cœurs les plus endurcis avant que son corps ne fut jeté à la fosse commune, il avait vingt-six ans. C’est en Sicile enfin que le lecteur sera invité sur les terres de Lampedusa et de Garibaldi… et celles de la Maffia.

Un itinéraire amoureux dont on hésite à tourner les pages tant on voudrait prolonger l’état d’ébriété où il nous plonge.

Marc Bouriche

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