Pourquoi j'ai écrit ce livre
"Elevé dans une famille anticléricale, j’ignorais tout du christianisme jusqu’au jour où mes pas d’aventurier me conduisirent jusqu’en Grèce. C’est au Mont-Athos, entre la splendeur des offices byzantins et l’austérité des nuits de veille, que le Christ m’est apparu comme la « lumière du monde ». Si la Grèce est pour l’humanité une source intarissable de culture et de civilisation, beaucoup ignorent qu’elle est aussi une fontaine jaillissante de vie spirituelle. De la Grèce, nous avons surtout l’image de sa glorieuse Antiquité puis, plus confuse, celle de Byzance, mais nous ignorons, pour la plupart d’entre nous, les richesses spirituelles de la Grèce ottomane et, plus encore, de la Grèce moderne. « Un peuple était mort sous les décombres de ses temples, écrit Michel Déon. Aussi, le retrouver vivant en plein XXe siècle est une émotion qui étreint le cœur. » Après avoir traité du Mont-Athos dans mes précédents ouvrages , je voudrais convier le lecteur à une odyssée sur les traces des saints vénérés aujourd’hui par le peuple grec. Je ne prétends pas exposer un quelconque catéchisme orthodoxe – ce qui serait aussi prétentieux que rébarbatif – mais, plus modestement, faire partager une expérience personnelle."
À la fois récit de voyage et traité de vie spirituelle, cette odyssée en Grèce orthodoxe transporte le lecteur à Athènes, Delphes et Thessalonique, puis d’île en île (Corfou, Mytilène, Samos, Patmos, Tinos, Egine, Santorin, Eubée) sur les traces des grandes figures spirituelles du christianisme hellène. Le voyage aboutit à l’île d’Andros, dans les Cyclades, où l’on découvre la figure provocatrice et fascinante d’un fol-en-Christ, qui éclaire en retour le destin tragique et sublime de la Grèce contemporaine. Aucun ouvrage en langue française n’avait abordé la vie de ces « athlètes du cœur » sur le ton du récit initiatique. Histoire et spiritualité se côtoient dans ce récit d’aventure non dénué d’humour et de poésie, initiation à la Grèce orthodoxe et périple ensoleillé au pays d’Homère et de Seféris.
Extrait
« Il me semble presqu’aussi difficile de parler de cet île que de Dieu. Dans la splendeur de la vie à l’état pur, on n’écrit pas, on est. Pour écrire, il ne faut vivre qu’à moitié. Plus haut que la littérature, il y a le soleil de Santorin, plus haut que la poésie, il y a les vignes de Santorin, plus haut que la théologie, il y a les pécheurs de Santorin. Toute tentative d’écriture semble ici dérisoire. Héraclès a vaincu l’hydre aux mille pensées et saint Georges le dragon des vains mots. Dans l’éblouissement d’une présence immédiate de la beauté, la parole se réduit à un simple salut, prononcé si possible à voix forte et de l’autre côté de la route : « Geia sou ! » Pourquoi traverser la rue pour se parler doucement, alors qu’on peut faire entendre sa voix de ténor dans tout le village ? Ici, les gens ne sont pas pressés, ils assument l’existence comme les ânes portent leurs fardeaux, sans état d’âme. Ici, on ne se plaint pas. Je pense à cette parole de René Char, qui convient si bien à Santorin: « Bonjour à peine est inconnu dans mon pays ». Les Grecs sont des Provençaux au carré. Ce qui est dionysiaque chez le Grec, c’est sa confiance : « den peirazei ». Rien n’est vraiment grave, et si je te dérange en faisant du bruit, c’est parce que tu n’es pas encore entièrement intégré au paysage. « Sur les bords de la Méditerranée, le sommeil n’est pas sacré. Il est interrompu sans regrets, repris, et abandonné à l’aube. La sieste remédie à ces imperfections de la nuit ». Les enfants peuvent dormir dans le bruit, les Grecs aussi ! Le bruit n’est qu’une idée, une idée qu’ils n’ont pas. D’ailleurs, ce bruit que tu entends n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan de la sérénité grecque. »
L’archipel des saints, Alain Durel, Albin Michel, avril 2014, 234 p., 16 €.
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