Écrire, en mer remuée
Le poète, l’écorché vif,
c’est de toute la sensibilité de son être qu’il se nourrit,
ouvert à la beauté des aubes,
porté par les vagues du monde.
C’est dans ses propres blessures
qu’il discerne le sublime
sous les oripeaux du réel.
Il est nu face au ciel,
lui montrant ses stigmates
encore mal cicatrisés.
Il n’y a là ni exhibition ni démence,
car c’est sa part la plus sincère qu’il donne à voir.
Il s’est laissé briser
pour ne laisser briller
que le diamant
de sa fragilité.
C’est à l’esprit dont il procède
qu’on reconnaît
l’authenticité d’un acte créateur.
Besoin de relire,
de confidence en confidence,
les pages de mon journal intime.
Les beautés
qui y prennent leurs premières racines.
Le récit
qui les égrènera toutes
y mettra la cohérence
d’une existence confrontée
à sa réalité singulière.
L’écriture ainsi glisse souveraine.
Plus excessif que l’homme, le poète,
parfois humain,
parfois réduit à sa folie.
S’il lutte,
s’il se débat,
c’est pour cette autre clarté
qui ensemencera la nuit.
La splendeur aussitôt entrevue,
il faut qu’il s’en saisisse
et la partage avec ses frères.
Pureté de la source qui l’abreuve !
Et c’est du plus profond de son cœur
qu’il sent monter en lui
l’urgence de ses semblables.
Car l’extase est trop brûlante pour la solitude.
Le poète toujours épiera sur la mer
l’évaporation du jour.
C’est un monde métamorphosé
qu’il redécouvre
sous les couleurs du soir.
Otage de son drame,
qui est de préférer la nuit au risque d’amnésie,
il s’épuise à écrire.
C’est stupéfait qu’il reconnaît les mots
qu’il a laissés vivre sur la page.
Puis il se lève
à la vue des vagues
et se secoue d’un peu de sable.
Et quand il se défait à l’aurore
du poids de l’amante,
c’est un poème,
enfin,
qu’il vient serrer
vivant contre son cœur.
— Daniel Berghezan