Notre assemblée générale 2023

3 février 2024
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Précédant l'AG de notre association,  

vous avez pu assister, en zoom ou en présence au Forum. 104 à Paris,  à une rencontre vibrante avec l'artiste international Rachid Koraïchi, auteur d'une œuvre humaniste d'une immense beauté, le Jardin d'Afrique, à  Zarzis en Tunisie. Il s'agit d'un cimetière qui se présente comme un "palais" pour accueillir les tombes de migrants africains noyés, dont les corps s'échouent sur les côtes tunisiennes.  L'artiste, de tradition soufie, dont l'œuvre est exposée dans de grands musées du monde, ne peut dissocier beauté et dignité humaine.  Ardent opposant au racisme qui  règne sur tous nos continents, il crée une œuvre de louange qui relie terre et ciel, extrême douleur et beauté offerte.   Paule Amblard, membre de E&S, historienne d'art et romancière, spécialiste d'art sacré du moyen âge, animait  avec chaleur cette rencontre exceptionnelle. 

La rencontre avec l’artiste Rachid Koraïchi a clos l’année de l’association avec une œuvre alliant la beauté et l’humanisme. Le jardin d’Afrique est le premier cimetière privé fondé par un artiste qui en a imaginé l’architecture et le décor selon une symbolique précise pour recueillir les corps des migrants échoués sur les plages de Zarzis, dans le sud Tunisien. Les dépouilles qui pourrissaient dans une décharge publique ont reçu une tombe pour leur repos. Elle porte ce que l’on sait de leur identité : Enfant, femme, homme ! Rachid tient à tracer ce peu de sa main, un geste fraternel rendu aux corps des inconnus oubliés. De même, il a imaginé que toutes les sépultures soient tournées vers l’Orient et le soleil renaissant. Comment présenter un artiste comme lui sans l’enfermer dans une définition ? Je fais appel à la poésie pour révéler l’être dont je vous parle. Une parole du mystique, Rûmî permet de s’approcher de l’artiste qui développe un art à la fois singulier et ancré dans la tradition : « Dans ta lumière, j’apprends à aimer, dans ta beauté j’apprends la poésie. Tu danses à travers ma poitrine là ou personne ne peut te voir, parfois tu y es si présent que cette vision devient un art ».

Rachid Koraïchi est né en Algérie, à Aïn Beïda, la région montagneuse des Aurès. Son art peint, gravé, sculpté est fait de signes qui captent dans une forme un souffle, image de l’Invisible. Il est le frère des artistes du Moyen Age qui transmettaient dans leurs créations une source vivante et spirituelle.

Paule Amblard

UN  ARTISTE-ARTISAN DE PAIX

Un grand merci, Rachid Koraichi , de nous avoir offert cette soirée exceptionnelle du 1er février ,où vous nous avez présenté votre dernière création .

    Pour réaliser cette œuvre inouïe, il fallait avoir le cœur bien accroché, une générosité débordante et une forte énergie alimentée par une foi en Dieu pour qui "rien n'est impossible. "

Votre  fille a eu raison de vous prévenir.

Face à  l' horreur , vous  n'avez pas fermé les yeux , ni fui, vous avez décidé d'aménager un cimetière qui serait comme le jardin d'un palais qui accueillerait comme des princes, jusqu'à 800 migrants échoués sur les côtes tunisiennes , dont les corps étaient livrés en pâture dans une décharge .

   La tâche serait rude. Vous avez d'abord acheté le terrain et  vous vous êtes mis à  votre table à  dessin. Les plans en mains, vous vous êtes armé de patience pour faire face aux tracasseries administratives afin d'obtenir toutes les autorisations nécessaires à la réussite de votre projet.

     Ce lieu de sépultures serait un jardin dont la beauté serait propice au recueillement et à la prière pour les proches et les familles des défunts qui reposeraient en paix.

    Une grande et belle allée de céramiques anciennes d'après des dessins originaux du palais de  Tunis du XVIII siècle  relierait la porte d'entrée au sud à celle de la salle de prière au nord. Elle serait  l'axe  central du cimetière. Au sud , la grande porte d'entrée  jaune d'or  aurait deux larges battants. Sur celui de droite , serait percée une petite porte qui obligerait chaque personne en entrant , à se courber, en

signe de  soumission à Dieu. Au nord , une vieille porte du XVII siècle  s'ouvrirait sur la salle de prière pour les trois religions monothéistes, avec aux quatre coins du bâtiment, le motif des ailes des hirondelles qui symbolisent la fidélité et le retour.

De part et d'autre  de cet axe central, se trouveraient  des rangées de tombes, au milieu d'un  jardin .

Vous construiriez les sépultures avec  des matériaux nobles et avec des fondations étanches, comme vous l'auriez fait pour votre propre  maison.

Pour que chaque tombe devienne vraiment la  dernière demeure de chacun,  il vous faudrait construire une morgue où un médecin légiste ferait  des prélèvements pour une  recherche d'ADN. Ainsi chacun serait unique  et  reconnaissable pour ses proches et sa famille.

A la vue des tombes blanches alignées, les visiteurs pourraient reconnaître celles des hommes et celles des femmes. Sur celles des hommes, la dalle du dessus serait plane et lisse et sur celles des femmes, la dalle du  dessus serait fendue .Pour les femmes enceintes, une petite passerelle arrondie serait fixée entre les deux berges.

Adossée à chaque tombe, se dresserait une petite stèle sur laquelle seraient gravés les signes de reconnaissance de chacun, avec son ADN+. Elle serait créée à l'image de grandes stèles historiques des ancêtres Koraichi du Xll siècle au Daghestan, dont deux grandes reproductions seraient érigées à l'entrée, de part et d'autre de l'allée centrale, comme:" des talismans pour accompagner et protéger les âmes des défunts ". Pour parfaire leurs dernières demeures, des coupes en céramique seraient déposées sur chaque tombe, afin de recueillir l'eau de pluie. Les oiseaux y viendraient boire, avant de s'envoler vers le ciel avec les âmes des défunts, comme le chante le poète, Farid al-din Attar dans son long poème :"La conférence des oiseaux. "

Pour créer ce jardin du Paradis , vous planteriez de beaux arbres entourés de fleurs , choisis  comme symboles pour les trois religions monothéistes.

A l'extérieur , face  à l'entrée , vous placeriez un olivier centenaire,  signe de longévité et de paix et plus loin à droite, un vieux  palmier, symbole de la résurrection associée au paradis.

A l' intérieur, vous représenteriez les cinq piliers de l'Islam en  plantant cinq jeunes oliviers près de bancs et de tables  recouverts de  céramiques . A l'ombre,  les visiteurs pourraient y méditer ou partager leurs  vivres. D'autres bancs recouverts de céramique destinés encore à  la méditation seraient disposés le long du mur, de part et d'autre de la porte d'entrée et de  celle de la salle de prière . Les murs blancs du cimetière seraient percés de fenêtres  qui ressembleraient à  des vitraux par leur forme arrondi  en haut et le cadrillage des barreaux de protection. En souvenir des douze apôtres, vous planteriez douze pieds de vigne, aux  pieds des murs. A la mémoire du Cantique des Cantiques, le long des tombes, vous mettriez des Bougainvilliers, symboles de protection, de paix, de beauté et d'unité, du jasmin, symbole de pureté, de  simplicité et de force et des orangers, symboles de  générosité, d'amour, de fertilité et de raffinement.

      Après  trois années de gestation et d'un dur travail,  votre création a vu  le jour. Vous  lui avez donné son nom ;  "Jardin d'Afrique, Jardin du Paradis ".

    Son inauguration a eu lieu le 9 juin 2021 avec la  bénédiction d'un imam, d'un grand rabbin et  de l'archevêque de Tunis, en présence du ministre de la culture et du tourisme de Tunisie, du maire  de Zarzis, de la présidente de l' UNESCO et bien sûr de vous-même, l'heureux créateur.

Le 1er  février, après votre présentation du Jardin d' Afrique, j'étais dans une étrange euphorie, comme transportée, légère et pleine de joie. Pourquoi ?

     Un homme, un artiste s'était levé pour dire : Non,  la destruction ou le mépris de l'humain n'est pas une fatalité. On peut résister en créant un jardin du Paradis, comme cimetière. Enterrer, comme  des princes, les corps des humains jetés dans une décharge est un acte subversif.

Redonner  la  dignité aux humains morts , c'est donner de la joie  aux vivants . Après vous avoir écouté , j'ai pensé à ce beau film: " Le fils de Saul" de László Nîmes. En 1944, à Auschwitz-Birkenau, un homme forcé d'aller chercher

Les cadavres  des chambres à gaz pour les mettre à brûler au crematorium ,  croit reconnaître son fils . Il va risquer sa vie pour  enterrer son fils avec le secours  d'un rabbin qui dira le kaddish. Avant d'être tué, le père retrouvera sa dignité d'homme, en la redonnant à  son fils.

    L'abolition de la peine de mort  par Robert Badinter est aussi un acte de  résistance, en faveur de la dignité humaine. Alors que pendant la deuxième guerre mondiale, son père naturalisé français  a été déporté et tué en camp de concentration ainsi qu'un oncle maternel et  qu'il a dû se cacher avec sa mère  et son frère avec de faux papiers en Savoie, il va se battre pour  faire abolir de la peine de mort.  La loi du Talion vis à vis des  criminels ne doit plus être appliquée pour rendre la Justice; Car elle dégénère facilement en vengeance. Après  le vote  de la loi contre la peine de mort, la société française, grâce à Robert Badinter , a gagné  en humanité, en renonçant à son pouvoir  de vie et de mort  sur le meurtrier. Elle  laisse la place au pardon qui fait  la grandeur de l'humain. Robert  Badinter  est lui aussi,un artisan de paix.

     Enterrer tous  nos frères humains, est non seulement un devoir, pour leur conserver leur dignité, mais leur  offrir une sépulture dans  un magnifique jardin , une véritable œuvre d'art, c'est leur reconnaître leur dignité d'enfants de Dieu.

   Mettre  dans un cimetière, un lieu de  prière pour les trois monothéismes, c'est reconnaître le sacré  chez  homme dont "le corps  est le temple de Dieu."

      Devant  la  beauté du Jardin d' Afrique, nous sommes émerveillés et pleins de  gratitude .

Si tous les cimetières étaient de beaux jardins, ils nous  aideraient non seulement à rendre hommage à nos morts, mais ils nous donneraient le désir de traiter  nos frères morts, comme des princes.

Alors nous aurions atteint un tel degré  d'humanité qu'il n'y aurait plus  de place pour l'esclavage ni pour les guerres !

Si nous transformions tous nos cimetières en jardins du Paradis, nous irions vers notre résurrection ; Car la vie  est plus forte que la mort! C'est la seule révolution qui vaille.

    A nouveau, un grand merci, Rachid Koraichi, d'avoir dessiné, réalisé et offert " Jardin d'Afrique. "

       Grâce à  cette œuvre d'art, les damnés  de la terre et de la mer ont retrouvé leurs dignité et reposent en paix.

"La beauté  sauvera le monde. " disait Dostoïevski

"Celui qui meurt riche, a raté sa vie." disait votre père.

        Le 20 février 2024

         Isabelle  Pinval (membre d'E&S)

PS: Ce texte  subjectif a été écrit après avoir écouté  Rachid  Koraichi et lu son livre : JARDIN D'AFRIQUE.

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