Jean-Bruno Kerisel Editions Itinéraires 2021
Jean-Bruno Kérisel, notre secrétaire général, nous offre un livre réconfortant, par sa construction originale, son écriture sobre et le témoignage magnifique qu’il porte sur son grand-père, un ingénieur de génie, trop méconnu.
Jean-Bruno est en effet le petit-fils d’Albert Caquot, polytechnicien, considéré comme un des plus grands ingénieurs français du XXème siècle. On lui doit des ballons d’observations révolutionnaires qui furent utilisés durant la guerre de 14-18, des ponts, des barrages, dont celui de l’usine marémotrice de la Rance, mais aussi la structure interne du Christ de Rio de Janeiro, entre autres. Il retrace, non pas directement la vie d’Albert Caquot, mais les échanges qu’un certain Louis Mangin, jeune sergent en 14, a entretenus durant toute sa vie avec cet ingénieur fascinant rencontré sur le front. Si le petit-fils apparaît en fin d’ouvrage en quelques pages toute en retenue, il s’efface, non pour écrire l’histoire du grand homme, mais pour la dévoiler par petites touches, un échange de poignée de main entre Louis et Albert, des courriers entre les deux hommes, un témoignage de la nièce de Louis, des comptes-rendus de conversation, une fidélité constante reposant sur une grande confiance lors des moments charnière de l’existence de ces deux hommes.
L’homme qui apparaît fut un homme de l’art, ingénieur visionnaire, fasciné par les courbes, capables de jongler avec toutes les disciplines scientifiques en se fiant à ses intuitions et aux calculs. Un homme simple, acharné au travail, un esprit fécond, ébloui par les splendeurs de la nature, d’une rare rectitude de caractère qui le fit toujours se mettre au service de la France et des autres, quitte à pourfendre la faiblesse des hommes politiques et l’inertie bureaucratique de l’administration. Un homme profondément croyant et, en même temps, désabusé après avoir traversé deux guerres mondiales. De l’époux, du père de famille, de ses loisirs (mais en avait-il ? ), on ne saura pas grand-chose.
On comprend, après avoir refermé ce livre, combien Jean-Bruno Kerisel a dû être heureux, lui qui est également ingénieur civil de l’aéronautique et engagé dans la vie civile, comme conciliateur de justice et membre actif de plusieurs associations, d’avoir pu rendre hommage à cet homme méconnu qui honore le métier d’ingénieur et, plus simplement, le métier d’homme.
Cet homme qui écrivait « le rêve de l’homme a toujours été de s’élever au-dessus de la sphère et de briser les entraves matérielles qui le relient au sol…L’ingénieur, poète de notre temps, a réalisé ce rêve aussi vieux que le monde » et dont la devise était « penser aux autres avant de penser à soi-même ».