La chambre de l’âme - Paule Amblard - Editions Salvator 2023
Il faut avoir un certain culot et beaucoup d’adresse pour oser publier de nos jours un récit qui traite de la vie de l’âme après la mort. La mort, on en parle aujourd’hui davantage pour déterminer comment l’administrer en facilitant la fin de vie. Quant à l’âme… Il fallait toute l’expérience de Paule Amblard et sans doute un événement personnel qui l’a touché dans vie personnelle (le cancer de sa sœur- car il est difficile de ne pas penser qu’elle se dissimule derrière le prénom de Rose) pour faire surgir un livre original qui aborde ce sujet sans tomber dans l’ésotérisme, le sensationnel ou la simple imagination. Paule, historienne de l’art de formation et spécialiste du Moyen Âge, nous a déjà conduit par la main pour aborder les Tapisseries de l’Apocalypse, le quotidien des Enfants de Notre-Dame ou l’étrange Pèlerinage intérieur. Dans ce dernier livre, elle nous proposait de cheminer à travers le texte et les enluminures du moine Guillaume de Digulleville, lequel avertissait son lecteur de jadis, comme le contemporain, qu’il serait à jamais transformé par sa lecture.
C’est en s’appuyant sur un autre texte dudit moine, Le pèlerinage de l’âme humaine, qu’elle revient aujourd’hui vers nous. Mais il ne s’agit pas ici d’une lecture savante. Il s’agit pour elle (Rose dans le livre) d’en faire la lecture à sa sœur (Marion) qui vient d’être hospitalisée et avec laquelle les liens de sororité se sont distendus. Au fil des lectures à voix haute, dans une chambre d’hôpital, coupées par les interventions multiples qui rythment la vie d’une malade bien décharnée et souvent désespérée, la narratrice nous décrit ses propres inquiétudes, ses angoisses face à la maladie de sa sœur et face au mystère de la mort.
Je me suis laissé prendre par le cheminement très vivant, les descriptions des enluminures, les explications légères mais essentielles apportées par Rose. La narratrice évoque le chemin des âmes dans les mythologies égyptienne, indienne, tibétaine et grecque, dresse des similitudes dans l’apprentissage que doit faire l’âme pour s’alléger. Le récit est émaillé des réflexions et des doutes des deux sœurs, qui se rapprochent durant cette initiation. Des questions essentielles sont posées, que personne n’évite : y a-t-il quelque chose après la mort ? Ne sommes-nous pas des terrestres habités de céleste ? Notre vie sur Terre ne serait-elle qu’un terrain de purification ? Et que penser de tous ces penseurs qui imaginent le ciel composé de sphères où chacun réside suivant sa nature spirituelle ? Si notre nature profonde est celle d’un « corps spirituel », à quoi nous sert d’accumuler des biens, souvent de façon déraisonnable ? Le texte est illustré de miniatures qui nous familiarisent avec le mode de pensée des hommes et des femmes du Moyen Âge, ces humains qui affrontaient plus lucidement que nous ces questions devenues taboues dans notre société.
Merci à Paule Amblard de nous offrir, dans la simplicité et la confiance retrouvée de ce dialogue entre sœurs, l’occasion de nous interroger sur notre âme et le sens de notre passage sur Terre.
Patrice Obert