Les lectures de… Isaline DUTRU

La Chambre de l’âme, Paule AMBLARD – Éditions Salvator 2023

Afin de ne pas être redondants dans nos regards croisés – Patrice Obert ayant déjà publié une lecture très fidèle du roman – je souhaite partager mon coup de cœur pour ce très beau livre, La Chambre de l’âme, en le remettant en perspective dans l’œuvre plus ample de l’auteure.

L’apport formidable de Paule Amblard dans la littérature contemporaine est incontestablement sa connaissance du Moyen Âge, sa compréhension des œuvres médiévales et le langage symbolique qu’elles contiennent en donnant la possibilité d’interroger notre époque. Au XIV° siècle, un moine poète, Guillaume de Digulleville, dans ces temps où l’on croyait que la fin du monde était proche, voulut laisser un témoignage aux éventuels survivants. Il écrivit Les Pèlerinages, composé de trois tomes : Le Pèlerinage de la vie humaine, Le Pèlerinage de l'Âme, Le Pèlerinage de Jésus Christ. En son siècle, le moine Guillaume de Digulleville fut aussi connu que Dante et ce, jusqu’au XVIII°. Pourquoi est-il tombé dans l’oubli ?

Le génie de Paule Amblard fut de rendre accessible le premier tome du moine dans un livre qu’elle intitula, Le Pèlerinage intérieur –  paru en 2008 – où l’auteure dévoilait les visions écrites et dessinées par le moine. Cette lecture a transformé sa vie, et nous aussi, lecteurs, par la nécessité d’un voyage intérieur.

Aujourd’hui, Paule Amblard, au travers de La Chambre de l’âme, par le biais d’une fiction, permet le déploiement du second tome du moine. Cette fiction est nécessaire car le grand songe du moine que transmet l’auteure est un territoire vierge de toute connaissance humaine : après la mort, l’âme accède-t-elle à un autre mode de présence, une autre vie ? Le moine non seulement transcrivit la succession de ses songes mais il les dessina. Ce récit imagé est éblouissant.

Revenons à la fiction : Deux sœurs, Marion malade et Rose, bien portante. Comment réconforter celle qui se trouve piégée par la maladie ? Rose, dans son désir d’accompagner sa sœur, va lui lire le manuscrit du moine, concernant le voyage de l’âme après la mort en commentant ces magnifiques images-miniatures. Comment ne pas être « ébranlé » quand on découvre que le moine, nous décrit, dès la mort d’un être, ce que devient son âme lorsqu’elle quitte son corps ? Car cette description très précise correspond, images par images, à ce que tous nos contemporains, ayant vécu l’expérience d’une mort imminente, nous relatent. Mais le moine va plus loin. En dix-sept chapitres, Paule Amblard, comme un passeur d’images et de poésie, décrypte l’âme en attente d’une nécessaire purification, attirée « dans un lieu étincelant », sa lutte aux prises avec ses démons intérieurs, la révélation de l’Enfer, ce lieu où il est question « d’être enfermé seul avec soi-même éternellement », L’arbre de guérison, dont « le fruit a le don de soulager tous tourments, toutes angoisses et toutes pesanteurs », Le Paradisoù l’on découvre que « l’Éden est multiple »… mais à vous de le découvrir !

         Le tour de force de ce livre est que, s’il est question de « la mort et après », les textes du moine comme le récit de l’auteure ne sont jamais désespérants mais bien plutôt un formidable appel au désir de lumière afin de « faire lever en nous-même, la semence divine ».