Pourquoi j'ai écrit ce livre :
Enfant, j'aimais ouvrir une à une ces poupée de bois toutes rondes, poupées russes ou poupées gigognes, aux joues rouges, aux robes multicolores. La plus petite, l'unique à mes yeux, je la cachais au fond de ma poche, au risque de l'égarer. Puis, je refermais ses grandes et grosses sœurs en prenant bien soin de raccorder les frisottis de leurs tabliers fleuris. Ces corps creux et coupés en deux n'étaient qu'emballages délicats, boîtes trompeuses. La vraie poupée, évadée de ses gangues, palpitait dans ma poche, et je frémissais du bonheur de la détenir en secret. C'est pour elle que l'artisan s'était donné tant de mal, qu'il avait joué à retarder ma rencontre avec ce trésor !
Les plus grands modèles de matriochkas contiennent jusqu'à soixante-quatre poupées. Des femmes fortes. Protectrices. Chercher Bérénice m'a rappelé ce jouet précieux. Ma Bérénice, deux fois millénaire, ne se laisse pas aisément saisir. Elle se cache au cœur de multiples Bérénice gigognes, peintes à la main par des générations de merveilleux conteurs.
Extrait :
Ma Bérénice, simple dame de Jérusalem, était plus âgée que la reine biblique. Elle serait cette femme compatissante qui tendit à Jésus un linge pour essuyer son visage tuméfié pendant son calvaire. Sur le linge resta miraculeusement imprimée la face du Christ. Ce linge, vraie icône – en latin vera icon - fit que Bérénice devint pour le monde latin, Véronique.
Sainte-Véronique, héroïne de la sixième station ! Sa silhouette nous est familière puisqu'elle habite nos églises depuis les temps anciens. Peintures, sculptures ou vitraux, la gardienne de l'icône, porte-drapeau sanctifié, brandit partout son voile devant nos yeux. Familière mais mystérieuse. Car Bérénice se dérobe... Ni Bérénice ni Véronique, chez Marc, Matthieu, Jean et Luc. C'est dans les évangiles apocryphes, les légendes et les traditions populaires qu'il faut la débusquer. Glaner, ici et là, les épisodes réels ou imaginaires de sa vie.