Les lectures... d’Isaline Dutru

20 avril 2023
|

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Raga de nuit, passion sur le Gange de Gérard Kurkdjian, Éditions Spinelle, 2022

Gérard Kurkdjian est non seulement musicien mais aussi musicologue, créateur de festivals, conférencier d’art et l’expression qui pourrait sans doute le mieux le définir est celle de « fou de musique ». Cette folie l’a conduit à explorer quantité de territoires musicaux : les univers variés du jazz mais aussi ceux des musiques traditionnelles et des musiques extra-européennes ainsi qu’une bonne connaissance des instruments anciens, complètement inconnus du grand public.

Dans Raga de nuit, c’est par le biais du roman que Gérard Kurkdjian souhaite transmettre, au départ, son attachement pour l’Inde éternelle, cette Inde peuplée de dieux, de démons, d’interdits et de spiritualités cohabitant les unes à côté des autres. Sur cette toile de fond omniprésente, l'œuvre romanesque déploie progressivement tout autant la complexité des relations entre hommes et femmes appartenant à des cultures différentes, à des castes quelquefois incompatibles, que les relations maître-élève et par-dessus tout… le pouvoir de la musique.

Est-ce qu’un raga est une entité vivante ? « Vivante » comme on tiendrait un oiseau ou encore qu’on caresserait la peau de l’aimé. Dans l’univers complexe et très codifié des ragas, il en est un qui ne se joue que la nuit –  le raga « Malkauns » – et qui est associé au dieu Shiva, dieu de la destruction et de la transformation. Au cœur de la nuit, son échelle harmonique est capable de pulvériser l’état émotionnel d’un auditeur et de provoquer un moment de bascule en lui. Le cœur est retourné, les désirs comme des grenades sauvages éclatent, c’est la mort qu’on peut côtoyer, c’est la vie qui peut surgir. C’est l’heure des choix et de la grande histoire des hommes. 

Alors à quels profonds renouvellements intérieurs, Alexandre, joueur français de sarod, venu en Inde pour approfondir l’art d’en jouer, de devenir meilleur et non le meilleur, va-t-il être confronté ? Son maître de musique le reconnaît comme un disciple authentique, lui nouant autour du poignet le "ganda", ce fameux cordon qui l’introduit de façon certaine dans la lignée de son mentor et l'adoube auprès des musiciens les plus talentueux. Alors, alors… Alexandre, jour après jour, va être amené à décrypter davantage l’échelle de ses sentiments que l’échelle harmonique dont il a déjà la maîtrise.

         Même si l’auteur laisse sans cesse le lecteur devant le choix de son personnage – la destruction ou la transformation – la fin est imprévisible. En refermant le livre, on a l’impression de tenir dans les mains une médaille à deux faces : d’un côté un merveilleux cantique amoureux et de l’autre un hymne formidable à la musique. Cantique ou hymne : tous les deux détenant le secret d’une puissance transformatrice.

usersmagnifiercrossmenuchevron-down linkedin facebook pinterest youtube rss twitter instagram facebook-blank rss-blank linkedin-blank pinterest youtube twitter instagram