Les lectures de… Isaline DUTRU.

25 mars 2023
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L’Inconsolée, Christine PEDOTTI - Éditions Albin Michel, 2022

Une amie de ma sœur m’offrit L’Inconsolée, trois semaines après avoir perdu mon mari. Cette amie, veuve comme ma sœur, avait eu souci de moi et cherchait à me réconforter en m’offrant un livre, comme un compagnon de voyage pour accompagner mon chagrin et une solitude nouvelle. Pourquoi ai-je fait ce détour pour présenter cet ouvrage ? Sans doute parce que je suis émerveillée de surprendre comment chaque livre rejoint, à un moment donné, un lecteur unique, au cœur de son intimité. Alors comment ai-je reçu cette lecture ?

Je me suis débattue intérieurement au départ. Non, je n’allais pas être « consolée » en lisant L’Inconsolée. Et puis une certitude a jailli : une « amie me voulait du bien » à travers le cadeau de ce livre. Devant moi, les pages se sont ouvertes sur l’anaphore : Claude est mort. Nous, veuves, nous répétons dès les premiers jours ce même mantra avec au cœur le prénom de celui qui était l’autre partie de nous-même. Puis, avec beaucoup d’humilité, Christine Pedotti nous confie qu’elle ne sait rien de la mort. Seulement ses effets. Et c’est là que, pas à pas, nous avons envie de lui offrir notre main pour que le voyage soit moins rude… pour nous-même.

La subtilité de ce récit tient à la grande sincérité de l’auteure face à son lecteur. En effet, elle nous partage d’emblée une réalité, souvent étouffée dans le monde chrétien, que la foi ne sert de rien car la mort est irrémédiablement une séparation, une béance, un vertige. Mais la foi peut donner des structures de pensée, offrir des expériences à interpréter, des images, des narrations. Et c’est au travers d’une relecture de la Bible, au travers de textes fondateurs pour elle, qu’elle tente de renaître à une vie « nouvelle ». C’est d’abord accepter de ne pas savoir ce qui se passe dans le monde d’« en face ». Puis des images viennent, comme des vagues qu’une marée imprévue déroule. J’en retiens une, lumineuse et porteuse d’un sens universel, celle de Marie-Madeleine découvrant les deux anges dans le tombeau vide du Christ où « l’un est posté à la tête et l’autre aux pieds de la couchette de pierre sur laquelle le corps a été déposé ». Au travers de cette scène, l’auteure saisit immédiatement que ces deux anges sont le prolongement de l’image des deux chérubins posés sur l’Arche de l'Alliance, voire leur accomplissement. Puis elle évoque le double retournement de Marie-Madeleine, d’abord en sortant du tombeau puis, une seconde fois, à l’énoncé de son nom... L’auteure interprète le premier comme un mouvement physique et le suivant comme un mouvement « psychique ou spirituel », selon les convictions de chacun. Oui, le « retournement » est bien au cœur de cette traversée du désert que décrit si bien Christine Pedotti. Alors est-ce que le retournement a eu lieu pour l’auteure ?

Quelle émotion de découvrir comment, elle, inconsolable, jettera les deux alliances qui lui restent en les abandonnant à la mer ! Dans son livre, on entend le cri de la détresse, on devine les larmes et les silences puis on perçoit la paix au travers de l’ultime transformation de sa maison. Le grenier est vidé de sa substance : il est aménagé en salon, un lieu dédié à la conversation, à l’image du couple qu’elle formait avec Claude, un espace inondé de lumière, désormais ouvert à tous ceux et celles qui veulent maintenant la rejoindre.

Lire L’Inconsolée n’est pas une déclaration d’intention de se murer dans un chagrin semblable à un puits sans fond comme le titre aurait pu le laisser supposer. Avec nuances, avec tact, L’Inconsolée appelle à côtoyer cet « inconsolable en nous », ce vase brisé qui portera toujours la trace de l’accident afin d’entrevoir, comme nous le murmure l’auteure,

« que le prix de la douleur est celui d’une liberté nouvelle que je ne désirais pas mais qui est désormais la mienne ».

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