Préface de Véronique Margron
Nous ne ressortons jamais indemnes de ces récits qui franchissent le seuil de l’espace confidentiel où l’auteur se livre, sans complaisance, afin de faire naître une vérité sur des faits qui ont provoqué un bouleversement de vie.
Jean-Pierre Rosa aborde l’agression sexuelle qu’il a subie à l’âge de 13 ans, agression commise par son chef scout à l’occasion d’un camp. Mais savait-il, à cet âge-là, que ce qu’il avait vécu s’appelait une agression ? L’amnésie traumatique a duré longtemps. Et c’est à l’âge adulte, à l’occasion d’un examen médical où des gestes ont réactivé « l’effraction », que la violence subie à l’adolescence a émergé progressivement à sa conscience. Cette violence – il en comprend à ce moment-là les immenses dégâts – a porté atteinte à tout son être. La perte de confiance en lui, sa structuration masculine, son effroi de la sexualité et surtout son rapport à l’autorité quand elle est détenue par des hommes plus âgés que lui : tout cela a installé un grand désarroi.
L’auteur revient sur sa construction d’homme et va brosser à grands traits son attachement à la philosophie quand il était étudiant. Passionné par le débat d’idées – fréquentant les cercles anarcho-situationnistes – il est aussi attentif au grand changement du monde des années 68. Et soudain, à la faveur d’une rencontre, l’auteur entrevoit un autre visage de la jeunesse. Quelque chose change. Ce nouvel ami, serait-il porteur d’une vérité qui peut transformer le monde ?
Avec beaucoup de pudeur, l’auteur dévoile qu’il est question d’une conversion. Mais l’authenticité de l’auteur est ailleurs car il devine dès le début que ce n’est pas l’expérience d’une conversion qui soigne les blessures. La foi ne guérit pas celles qui sont imprononçables. Il est nécessaire et urgent de sonder les profondeurs de son âme afin de comprendre toutes les conséquences intimes et relationnelles qu’un traumatisme a pu engendrer. C’est davantage tout ce parcours, à côté de la foi, qui est intéressant de comprendre pour nous lecteurs. Le courage tient à cet infaillible désir de guérir. Il ne faudra pas moins de trois analyses pour aider l’auteur à prononcer les mots justes, relire son histoire et oser, enfin, la transmettre à ses proches.
En refermant le livre, pour la première fois, je crois que je n’ai jamais aussi bien compris cet avertissement du Christ : Si quelqu’un scandalise un de ces petits qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui qu’on lui pendît au cou une de ces meules qu’un âne tourne, et qu’on le jetât au fond de la mer[1].
[1] Mathieu 8- 6
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