Il y a plusieurs manières de faire de l’histoire : regarder le passé avec nostalgie, cultiver la mémoire des âges d’or ou des grands hommes, décrire certaines périodes avec suspicion pour mieux justifier ou dénigrer le présent. Professeur émérite d’histoire des religions de l’Antiquité à Paris IV, Marie-Françoise Baslez avait choisi de s’intéresser plus particulièrement à ces périodes charnières, ces moments-clés où le cours du temps bascule. Ses travaux sur les origines du christianisme illustrent ce choix jamais démenti : qu’on pense à sa biographie de saint Paul publiée chez Fayard, qui évoque si bien ce passage du judaïsme aux nations, à cet ouvrage au titre significatif aussi : Comment notre monde est devenu chrétien (Point Seuil). Et puis, l'historienne a eu le souci de délivrer nos têtes de nombre d’idées toutes faites, comme ces caricatures de péplums nous montrant les premiers chrétiens enfermés dans les catacombes face à la culture qui les entoure. Remarquable en ce sens est le dernier livre publié par Marie-Françoise Baslez, L’Eglise à la maison. (Salvator). A un moment où une pandémie nous a contraint au confinement, voire à suspendre pour un temps l'exercice public des cultes, nous découvrons ici que si le christianisme est parti des « maisonnées » ou « églises domestiques », c’est pour mieux rayonner et s’ouvrir à l’universel, non pour s'enfermer dans son identité propre. Sans anachronisme aucun, l’on mesure combien les questions des premiers chrétiens sont aussi les nôtres, qu'il s’agisse de l'émergence de l’individu, de la place des femmes, de l’accueil des étrangers ou de la synodalité. Une leçon toujours à méditer.
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