Bertrand Révillion, Les Heures Claires - Dis, Grand Pa, tu y crois au Bon Dieu ?

14 septembre 2016

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Pourquoi j’ai écrit ce livre ?

Nous sommes nombreux à avoir tissé une complicité joyeuse et mystérieuse avec l’un ou l’autre de nos grands-parents. C’est cette relation privilégiée et universelle, souvent inoubliable et toujours émouvante que j’ai voulu raconter dans ce roman.

Grand Pa est un influent banquier parisien, Marco, son petit-fils est un môme de 10 ans solitaire et rêveur. Le premier est un brin agnostique depuis la mort de sa femme. Il ne digère pas que le vicaire de la paroisse, lors des obsèques, ait évoqué – détestable expression ! – le « rappel à Dieu » de son épouse. Le second, Marco, est à l’âge « métaphysique » et bombarde son aïeul de questions mi-cocasses, mi-sérieuses : « C’est qui l’inventeur des marées et des vagues ? » ; « Où vont les Mamies quand elles meurent ? » ; « C’est quoi, une âme ? » ; « Pourquoi le Bon Dieu n’empêche-t-il pas les bateaux de couler ? »

Lors de promenades main dans la main, des rues de Montmartre aux dunes du Touquet, le grand-père et l’enfant tissent un dialogue confiant, entrecoupé de fous-rire et de mémorables bêtises. J’ai écrit ce livre en écho aux nombreux témoignages de grands-parents souvent émus, parfois déstabilisés, toujours remués par les questions « si importantes » que leurs petits-enfants leur posent, souvent sans crier gare, sur l’existence de Dieu, la mort, le grand pourquoi de l’existence ! Je me suis intéressé à la manière de répondre sans… trop répondre. Face à l’interrogation fragile et belle d’un enfant, il est des réponses qui ouvrent à l’intériorité et à la liberté, d’autres qui, à grand coup de certitudes et de catéchisme, ferment le chemin de la réflexion.

« Devant la question soudain si sérieuse qu’un enfant pose, l’aire de rien, en marchant au bord de la mer, les adultes doivent surtout bien se garder de répondre trop vite. Noyé dans son chagrin, Grand Pa sait que, comme les châteaux de sable à marée haute, la frêle muraille de nos certitudes résiste un instant vaillamment à l’assaut du ressac puis finit par rendre les armes sous la morsure des vagues… »

J’espère que ce roman joyeux sera comme une main tendue entre les générations !


couv-hc-jpeg

Extrait

Au moment de la communion, le curé descendit les trois marches de l’autel armé de son ciboire doré et jeta un œil à Grand Pa. C’était à lui – privilège, sans doute, d’apprenti veuf – d’ouvrir le bal. Mais Grand Pa fit semblant (…) de ne pas le voir et ne bougea pas d’un pouce. Face à la foule pressée comme un troupeau à l’heure du foin, le curé attendit, hésita, insista du sourcil, balançant d’un pied sur l’autre, fit froufrouter son surplis à dentelles, mais Grand Pa ne cilla pas.

Incroyable ! Du haut de mes dix ans, je compris tout à coup que Grand Pa avait tout bonnement décidé de se mettre en grève ! Oui, impavide dans son pardessus de laine, mon grand-père ferait ce matin-là ostensiblement et obstinément la grève… de l’hostie !

Comme si la mort de Mamie lui avait coupé l’appétit. Comme s’il n’avait plus faim de ce prétendu « Bon » Dieu à qui, avait dit le curé, il avait plu de rappeler à Lui sa chère Nanie. Cette convocation péremptoire, cette brusque assignation infiniment mal élevée ne passait pas, lui restait même en travers de la gorge, lui pesait carrément sur l’estomac. Mieux valait ne pas trop insister, car si Grand Pa manquait tout à coup d’appétit pour la très sainte communion, il avait sûrement ce matin-là – je le perçus à sa façon de tapoter nerveusement le dosseret de son prie-Dieu – comme une furieuse envie de bouffer le curé, son garde suisse, l’archevêque de Paris, les cardinaux, le pape et tous les saints du ciel !

L’officiant n’avait qu’à bien se tenir et pouvait renvoyer prestement en cuisine sa pitance de pain sec. C’était irrévocable : Grand Pa ne partagerait pas la table d’un Dieu qui, en rappelant à Lui sa chère et tendre femme, témoignait d’un manque flagrant de savoir vivre !

Bertrand Révillion, Les Heures Claires - Dis, Grand Pa, tu y crois au Bon Dieu ?, Éditions du Cerf, 198 page, 18 €


Bertrand Révillion est philosophe, journaliste et éditeur. Il a collaboré notamment à La Croix, Ouest France, La Vie, France 2, Panorama et Psychologies Magazine. Il anime la rubrique « grands entretiens » à la revue Prier (groupe La Vie - Le Monde). Il est aussi directeur éditorial aux éditions Médiaspaul, en charge du secteur « spiritualité ».

Bertrand Révillion a publié une dizaine d’ouvrages. Son précédant roman « Dieu n’y peut rien – Tempête en Chartreuse » est paru au Cerf en 2014.

usersmagnifiercrossmenuchevron-down linkedin facebook pinterest youtube rss twitter instagram facebook-blank rss-blank linkedin-blank pinterest youtube twitter instagram